REPORTAGE – Fermeture des Santons de Charlevoix : la disparition d’un savoir-faire
Date : 22 juin. (6H30)Dans le petit magasin aménagé au coeur d’une grange bicentenaire, à deux pas du Musée maritime, les étagères se vident peu à peu. Doris Jean, la copropriétaire, tente de vendre ses derniers santons avant la fermeture prévue au mois d’octobre. « Il y a plein de pièces que je n’ai plus, qu’on a éliminées au fil du temps parce que quand on va déménager, il faudra les mettre dans des bacs et c’est du travail en plus !« , sourit-elle.
Cela fait 11 ans qu’elle est à la tête de l’entreprise avec son compagnon Rodrigue Gagnon, mais l’histoire des Santons de Charlevoix remonte au début des années 1980. « C’est Bernard Boivin qui a créé ça, avec ses amis Jean Desgagnés et Yvan Desgagnés, se souvient Doris. Jean était allé en Europe et avait ramené un petit santon de Provence. Bernard s’y est intéressé, il s’est demandé pourquoi on n’avait pas de santons au Québec. Et c’est comme ça que ça a commencé. » Bernard Boivin s’est ensuite rendu en France pour apprendre les techniques de fabrication de ces petites figurines d’argile.
Plus de 125 modèles de santons différents
Une fois de retour au Québec, il a ouvert sa boutique à Saint-Joseph-de-la-Rive. A l’époque, elle s’appelait « L’étoile de Charlevoix » et on y trouvait toutes sortes de créations artisanales. Rapidement, les santons ont eu leur petit effet auprès des clients, attirés par la nouveauté et la délicatesse de chaque pièce. Jacques Cartier, Jésus, Arlequin ou encore le Petit Chaperon rouge, la collection s’est agrandie au fil des années.
Dans le même temps, Bernard Boivin a transmis son savoir-faire à Doris, qui venait lui donner un coup de main pendant l’été. La création de santons a pris de plus en plus de place dans sa vie : « Il faut que tu travailles 7 jours sur 7 pour réussir à faire quelque chose, explique Doris. Il y a 125 modèles de santons différents qu’il faut reproduire, peindre et mettre en vente. C’est vraiment du travail.«
Aujourd’hui, elle sent qu’il est temps pour elle d’arrêter. D’autant que le Musée maritime de Charlevoix, qui met gratuitement la grange à sa disposition depuis 9 ans, a décidé de reprendre le bâtiment pour y développer ses activités d’interprétation des goélettes. « Nous avons prévenu les propriétaires des Santons un an avant que cette entente contractuelle ne se termine, indique Marie-Anne Rainville, la directrice générale du musée. On a épaulé cette entreprise pendant 9 ans pour permettre le développement de ce savoir-faire, mais notre capacité d’accompagner une entreprise privée s’arrête maintenant, parce que le musée s’occupe d’un autre savoir-faire et d’un autre patrimoine qui est celui des goélettes« , ajoute-t-elle.
Devant l’investissement important que représente l’achat d’un nouveau local, Doris Jean n’a pas l’intention pour l’instant de rouvrir une boutique ailleurs. D’ici octobre, elle espère trouver un repreneur pour ses moules et son fonds de commerce, sans quoi son savoir-faire pourrait bien disparaitre dans Charlevoix.
Pour écouter le reportage :
Photo de Une : Justine Maurel/CIHOFM